Unifier pour mieux enseigner
Vous parlez d’un enseignement adapté aux élèves, ça n’est pas le cas actuellement?
Pierre Spehl, président du CEDEP:
«Les élèves doivent s’adapter à l’enseignement qui leur est dispensé. Puis à charge pour eux d’assimiler et de réussir les épreuves successives. Ce que nous proposons, c’est de faire en sorte que les élèves soient, au fur et à mesure de leur cursus, beaucoup plus soutenus par les enseignants à titre individuel. Et donc on remédie le plus tôt possible aux difficultés que les élèves rencontrent. Cela est tout à fait possible, puisque ça se pratique déjà dans certaines écoles en Belgique. Mais aussi dans d’autres pays, comme la Finlande. Ils avaient un système comparable au nôtre il y a une vingtaine d’années, et ils sont arrivés à le transformer complètement dans l’esprit que nous proposons.»
Votre proposition d’unification des réseaux, c’est une remise en question du pacte scolaire d’il y a 50 ans?
«Nous ne voulons rien imposer à personne. Nous voulons convaincre que l’on fait beaucoup mieux ensemble plutôt que chacun dans son coin. Une fois tous les acteurs et tous les responsables convaincus, il faudra trouver avec eux les modes d’organisation nouveaux à mettre en place. Cela nécessitera à ce moment-là une révision du pacte scolaire. Nous ne l’envisageons pas en termes d’affrontements, comme c’était le cas à l’époque.»
Vous voulez unifier aussi les niveaux communal, provincial et communautaire?
«Oui, mais nous laissons en suspens la question de savoir quel doit être le niveau du pouvoir organisateur. Il faudra définir quelque part qui organise, mais nous ne souhaitons pas à ce stade faire de proposition concrète en la matière car nous ne voulons pas bloquer le débat sur le fond.»
Vous parlez d’unification, mais aussi d’autonomie des établissements?
«Il y a des tâches à réaliser par le pouvoir politique, la Communauté française: donner les moyens et organiser la formation dans le cadre d’un Centre de formation pédagogique commun. Avec la collaboration des écoles existantes, ce centre serait l’endroit où se fixe le programme. Le communautaire doit fixer les résultats à atteindre. Mais chaque établissement doit déterminer la manière d’y arriver, de choisir les méthodes.» Un de vos principes est la neutralité… «C’est le respect de certains principes de vie en commun, de ne pas profiter de position d’enseignant pour faire du prosélytisme. Même dans le réseau catholique, il y a une forme d’organisation qui freine ce genre d’attitude. Nous ne sommes pas loin de nous mettre d’accord à ce sujet.»
Vous soumettez à nouveau la mise en place d’un cours unique abordant philosophie, civisme et fait religieux…
«Il y a un besoin d’un cours commun à tous les élèves qui avance ce qui est commun dans la vie en société: les Droits de l’homme, par exemple. Approfondir ce que ça implique, c’est déjà une matière très importante. Pour le moment, ils sont abordés dans les cours philosophiques, mais de manière différente selon l’orientation. Et les enfants sont séparés les uns des autres. Alors qu’ils devraient se retrouver dans cette même conception des Droits de l’homme. En matière de citoyenneté, même chose. Des éléments concrets du droit. Apprendre comment pense l’autre est très important, d’où le besoin d’un cours sur les croyances religieuses. L’école n’est pas le lieu de l’instruction religieuse. L’école publique doit fournir aux jeunes une base commune qui puisse leur servir dans leur future vie en société. Nous ne nous prononçons pas sur la suppression des cours de religion dans les écoles publiques. A condition qu’il soit facultatif. Et ce cours commun obligatoire.»
Le personnel enseignant a le moral dans les chaussettes en ce moment. Que voulez-vous lui demander?
«Le CEDEP est constitué d’une majorité d’associations d’enseignants. Ce qui me frappe, c’est l’unanimité sur les constats et sur ce qu’il faudrait faire pour améliorer les choses. Les enseignants sont demandeurs d’une meilleure formation pédagogique pour pouvoir transmettre leurs connaissances aux élèves et que ces derniers puissent assimiler ce qu’on leur propose.»
Nicolas Naizy